Rāga Naṭ bhairav
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Rāga Naṭ bhairav
Artistes : Sudhanshu Sharma (chant),
Saptak Sharma (tablā), Abhishek Sharma (harmonium), Manisha Ma Prem (tānpurā)
Système de notation & point de vue du spécialiste
Le système indien de notation musicale
Dans le cadre de la musique classique indienne, la notation sert avant tout d’aide-mémoire puisque l’apprentissage passe principalement par l’écoute, la mémorisation et la répétition. La musique hindoustanie reste en effet une musique de tradition orale.
Le système musical hindoustani est un système syllabaire qui utilise sept notes ou degrés qui sont abrégés comme indiqués dans le tableau suivant. Les notes du système indien (Sa, Re, Ga, Ma, Pa, Dha, Ni) peuvent être rapportées aux sept notes de la gamme occidentale (do, re, mi, fa, sol, la, si).
Toutefois, la note de référence Sa a une hauteur variable : en fonction de la tessiture du chanteur et de l’instrument joué, la fondamentale peut varier.
Le système musical hindoustani donne une grande importance aux intervalles entre les notes, notamment à l’intervalle entre un degré donné et la fondamentale qui est rappelée de manière continue par un bourdon accompagnant toute performance. La manière d’attaquer une note ou de l’ornementer, et la manière de lier plusieurs notes entre elles sont des éléments caractéristiques de certains rāga. Toutes ces ornementations ne peuvent faire l’objet de transcription précise.
Pour faciliter la transcription et sa lecture, nous avons fait correspondant ici le Sa au do du système de la musique occidentale.
Nom des notes en entier |
ṣadj |
ṛśabh |
gandhār |
madhyam |
pancham |
dhaivat |
niṣād |
Nom des notes abrégé (sans diacritique) |
Sa |
Re |
Ga |
Ma |
Pa |
Dha |
Ni |
En notation (en écriture devanāgarī) |
सा |
रे |
ग |
म |
प |
ध |
नि |
En notation ‘romane’ |
S |
R |
G |
M |
P |
D |
N |
Correspondance en musique occidentale (en hauteur relative) |
Do |
Re |
Mi |
Fa |
Sol |
La |
Si |
Nom des notes indiennes et leur notation
L’échelle utilise douze demi-tons ou degrés à hauteur amovible (notion de śruti ou de microintervalle) et s’étend sur trois registres : inférieur (mandra), médium (madhyam) et supérieur (tār).
Un point sous la note indique qu’elle est jouée dans le registre inférieur, et un point au-dessus, dans le registre supérieur. Le terme saptak désigne la série des sept degrés de l’échelle.
Point de vue d’Henri Tournier sur l’interprétation du rāga Naṭ bhairav par Sudhanshu Sharma
Henri Tournier sur l’interprétation de Sudhanshu Sharma
« Sudhanshu Sharma a choisi une structure d’élaboration du rāga Naṭ bhairav adaptée à la durée courte souhaitée pour l’enregistrement sur mesure pour le site.
Il commence non pas par un ālāp mais par ce qu’on appelle un aochar, une courte esquisse qui présente les mouvements caractéristiques du rāga, afin d’installer son identité avant de développer. Un ālāp aurait nécessité du temps pour ne pas être simplement dans une présentation mais vraiment dans une exploration de la beauté des ressources mélodiques du rāga.
Ensuite Sudhanshu Sharma présente une composition et son texte poétique (bandiś) dans le rāga Naṭ bhairav, accompagné par le tabla, construite sur un cycle de 16 temps appelé addha tāla, une sorte de variation du cycle tīntāla, le cycle rythmique majeur, qui peut se décliner en fonction des tempi choisis comme un cycle de 16 temps mais aussi 32, 8 ou 4. Exécuté à ce tempo ce cycle de 16 temps est ressenti comme un cycle de 8 temps.
Sudhanshu Sharma expose tout d’abord la partie de la composition centrée autour de la tonique médium, partie appelé sthāyī, constituée d’une phrase principale et d’une phrase de développement. Puis il amène la partie développée autour de la tonique du registre supérieur par mouvements ascendants, appelée antarā, elle aussi constituée d’une phrase principale et d’une phrase de développement.
Cette exposition de la composition jouée en variations se conclut par un retour à la partie principale de la composition centrée sur la tonique du registre médium, la sthāyī.
Puis Sudhanshu Sharma s’attache à développer des séquences improvisées qui se concluent par cette partie médium de la composition (sthāyī). Ces séquences plus lyriques que rythmiques reprennent des éléments du prélude ālāp, jeu improvisé centré autour d’une note, avec un choix de notes limité. Elles s’élaborent palier par palier, dans un mouvement général ascendant. Quand il atteint le registre supérieur, Sudhanshu Sharma joue la partie haute de la composition, son développement et revient à la sthāyī.
Ensuite sur un tempo un peu plus vif, il développe cette fois-ci un jeu plus rythmique, chanté en sargam, les notes de la gamme indienne. Sur un tempo accéléré pour la seconde fois il construit des tān, phrases ou guirlandes de notes virtuoses chantées tout d’abord en sargam, avec le nom des notes, et enfin en ākār, en vocalise sur la voyelle « a ».
Pour conclure il revient sur la sthāyī et répète une petit motif extrait de cette mélodie repris trois fois à l’identique appelé tihāī. Sur la dernière note du tihāī le tabla s‘arrête de jouer, Sudhanshu Sharma chante une petite phrase similaire aux mouvements du prélude qui lui permet de revenir au caractère paisible du début de sa présentation.
La structure d’élaboration improvisée proposée par Sudhanshu Sharma est parfaitement adaptée au contexte d’une présentation courte de 10’30’' : malgré cette contrainte de temps, elle lui a permis d’exposer une palette très complète des éléments constitutifs du rāga Naṭ bhairav ».