Antoine Bouscatel (1867-1945), le « Roi des cabretaires », était originaire de Lascelle dans le Cantal, et « monté à Paris » en 1890. Il y joua régulièrement pour le milieu des personnes originaires d'Auvergne, et devint propriétaire d'une salle de bal, le « Bal Bouscat ». Il y fut le premier à associer sa cabrette (cornemuse à la lutherie perfectionnée par des facteurs auvergnats de Paris) à l'accordéon de son gendre italien Péguri. Cette évolution mènera des années plus tard à l'éviction de la cornemuse des bals parisiens, qui garderont toutefois leur nom de « bals musette ». Après une période faste, l'activité du bal de Bouscatel périclita peu à peu pendant l'entre-deux-guerres, le bal à l'accordéon dont l'imagerie est bien connue (javas, filles de joie et mauvais garçons à casquette) ayant pris définitivement le dessus sur le bal familial des Auvergnats. Il finit ainsi sa vie dans une relative pauvreté, ne jouant plus que pour un petit milieu de connaisseurs de la « colonie auvergnate », auprès desquels son prestige était demeuré intact.
Comme le suggère son surnom, Bouscatel fut un des maîtres incontestés de l'instrument difficile qu'est la cabrette : maître de la qualité sonore, de la justesse et de la fluidité du jeu, très bien audibles malgré les défauts de qualité du support de ses enregistrements (disques 78 tours). ll fut un maître également de l'ornementation virtuose et complexe propre à la cabrette, rappels, « picotages » et autres coups de doigts appréciés des connaisseurs, rendant les mélodies parfois presque méconnaissables sous les variations.
Le répertoire d'Antonin Bouscatel combine des mélodies « du pays » (l'Auvergne) avec d'autres d'inspiration plus parisiennes, annonçant ce que l'on appelle aujourd'hui le musette. Les bourrées à trois temps sont parfois basées sur des thèmes chantés, qui se trouvent ornementés et complexifiés au fil des reprises, mais aussi parfois purement instrumentales et prétextes à la démonstration de virtuosité (« La rapida », « La tricotada »). D'autres danses : valses, mazurkas etc., issues des salons du XIXe siècle, véhiculent d'autres climats musicaux, avec des influences germaniques et italiennes sensibles même dans les compositions des musiciens parisiens. Des mélodies à écouter, les « regrets », aux rythmes libres et aux notes étirées, sont des adaptations instrumentales des chants de plein air dont résonnaient les campagnes autrefois. Chargées d'émotion par l'évocation du « pays » pour ces exilés à Paris, ces mélodies sont aussi pour les cabretaires l'occasion de mettre en valeur leurs qualités musicales, par le travail du son, du vibré et du phrasé.
Bouscatel restera une référence dans le monde des cornemuses du Massif Central, son style et son répertoire restant des modèles incontournables pour la plupart des joueurs de cabrette. Comme ceux des autres musiciens auvergnats de son époque, ses disques originaux des années 1930-40 ont été retrouvés, rassemblés et réédités par des collectionneurs passionnés. En plus du disque vinyl consacré à Bouscatel par les Musiciens Routiniers et aujourd'hui introuvable, on peut citer un bon nombre de CD plus récents : « L'âge d'or de la cornemuse d'Auvergne : enregistrements historiques 1895-1976 » (Silex-Auvidis 1993), « L'âme de l'Auvergne » (Epic 1998), et les réalisations de Michel Esbelin (souvent chez Marianne Mélodie) : « Musiques traditionnelles d'Auvergne et du Rouergue » (2007) ; « L’Auvergne d’Antan » (Coffret 4 CD 2012), « Souvenirs d’Auvergne » (2013), ainsi que le double CD « Musiciens aveyronnais à Paris » (Musicadis – Conservatoire occitan 2001).
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Oeuvres interprétées par Antonin Bouscatel : La calha ("La caille")